Précarité menstruelle : la Meurthe-et-Moselle équipe 100 % de ses collèges publics en distributeurs de protections périodiques
La précarité menstruelle n’est pas un mythe. 33 % des étudiantes ont déjà dû choisir entre acheter des protections ou autre chose d’essentiel.
La Meurthe-et-Moselle franchit un cap important dans la lutte contre la précarité menstruelle. Depuis quelques semaines, l’ensemble des 66 collèges publics du département sont équipés de distributeurs de protections périodiques. Une initiative portée par le Conseil départemental dans une volonté claire : faire de l’égalité filles-garçons une réalité dès le plus jeune âge et lutter contre la précarité menstruelle.
Une réponse à une inégalité silencieuse
« C’est impossible, en 2024, de penser que pendant une semaine chaque mois, des jeunes filles soient handicapées dans leur quotidien de collégienne », déplore Marie-José Amah, 3e vice-présidente du département, déléguée à la protection de l’enfance, aux familles et à l’égalité femme-homme et engagée dans le projet. Si les règles sont un phénomène naturel, leur coût et leur gestion représentent encore un frein silencieux à l’épanouissement de nombreuses adolescentes.

Le département a donc pris les devants, en plaçant la question de la précarité menstruelle au cœur de ses politiques éducatives et sociales. L’idée : offrir un accès libre, gratuit et discret à des tampons et serviettes hygiéniques pour toutes les collégiennes qui en ont besoin.
Des distributeurs adaptés et respectés
Les distributeurs installés dans les établissements scolaires se veulent discrets et accessibles. Ils sont placés près des toilettes ou des infirmeries, parfois dans des zones un peu en retrait, pour préserver l’intimité des jeunes utilisatrices.
« On avait des craintes au départ : peur qu’ils soient vandalisés ou que les élèves en abusent. Ce n’est pas du tout le cas. Au contraire, leur présence est respectée, ce qui montre bien le besoin réel et la maturité des jeunes », souligne Marie-José Amah.

Une dynamique collective dans les établissements
Si la première dotation est assurée par le Département, la gestion des réapprovisionnements est laissée à l’initiative des établissements. Au collège Valcourt à Toul, le distributeur « Elles Box » installé à côté de l’infirmerie est accompagné d’une « Give box » dans laquelle les filles comme les garçons, mais aussi les professeurs et les agents peuvent déposer des protections périodiques neuves.
« Quand les collégiens organisent eux-mêmes une collecte, ça devient un vrai sujet de discussion, partagé entre filles et garçons. C’est ce qu’on voulait : lever le tabou, faire en sorte que les règles ne soient plus un sujet honteux ou embarrassant. » détaille Marie-José Amah. Lever le tabou et faire de la précarité menstruelle le combat de toute une génération.
Un triple enjeu : accès, sensibilisation, responsabilisation
Ce projet ne se limite pas à un aspect matériel. Il s’agit aussi d’un levier pédagogique et social. D’abord pour normaliser les règles dans les discussions, lutter contre la précarité menstruelle, mais aussi pour sensibiliser les garçons, souvent peu ou mal informés sur le sujet.
« On connaît l’insouciance de certains garçons… mais cette ignorance peut durer jusqu’à l’âge adulte. Si dès le collège on les habitue à comprendre ce que vivent leurs camarades, ils deviendront des hommes plus respectueux. »
Marie-José Amah au micro de Magnum la Radio
C’est aussi un enjeu d’égalité et de dignité. Car la précarité menstruelle ne concerne pas uniquement les adolescentes. Elle touche aussi les femmes en situation d’isolement ou de grande pauvreté, dans les prisons, les hôpitaux, ou les structures de soins.
« On commence au collège, car c’est un lieu d’apprentissage. Mais l’objectif est plus large : faire entrer la question menstruelle dans le débat public et la sortir de l’ombre. »
Marie-José Amah au micro de Magnum la Radio

Une initiative à essaimer dans d’autres départements
En Meurthe-et-Moselle, cette avancée est saluée à la fois par les équipes éducatives, les familles et les élèves. Pour les élus, c’est un projet prioritaire qui mérite d’être élargi, non seulement dans d’autres établissements du territoire (comme les lycées), mais aussi à l’échelle nationale.
« Ce projet mériterait d’être développé partout. Il a un véritable impact éducatif et humain. »
Marie-José Amah au micro de Magnum la Radio
📊 Quelques chiffres clés sur la précarité menstruelle en France
🔹 1,7 million de femmes seraient concernées par la précarité menstruelle en France (estimation du gouvernement, 2023).
🔹 Selon une étude IFOP pour Dons Solidaires (2021) :
- 1 femme sur 3 en situation de précarité déclare avoir déjà manqué de protections périodiques.
- 1 jeune fille sur 10 affirme avoir manqué l’école à cause de ses règles, faute de moyens pour acheter des protections.
- 52 % des femmes précaires disent avoir déjà utilisé un système de remplacement (papier toilette, tissu, etc.).
🔹 Le coût des règles est estimé entre 10 et 15 euros par mois pour une femme. Cela inclut les protections, serviettes, tampons et anti-douleurs. Une dépense qui peut être colossale lorsque le budget est limité et qui fait basculer dans la précarité menstruelle.
🔹 En 2021, l’État a commencé à agir : la ministre de l’Enseignement supérieur a annoncé la mise à disposition de protections gratuites dans les résidences universitaires et les services de santé universitaires. Depuis, d’autres collectivités (villes, départements, régions) ont suivi.
🔹 Une enquête de la Fédération des associations générales étudiantes (FAGE) en 2023 révélait que :
- 33 % des étudiantes ont déjà dû choisir entre acheter des protections ou autre chose d’essentiel (alimentation, transport).
- 13 % se sont déjà vues refuser de l’aide quand elles en ont demandé en pharmacie ou auprès d’un service social.